Dans le cadre du projet « Renforcement de l’action climat locale au Cameroun : Cas des Communes de Djoum et Mintom », financé par le World Resources Institute (WRI) à travers l’initiative Global Partnership for Social Accountability (GSPA) de la Banque mondiale, l’organisation Action for Sustainable Development (ASD) a mené une série d’échanges participatifs avec les peuples autochtones Baka.
Les communes de Djoum et Mintom, situées dans le département du Dja-et-Lobo, région du Sud-Cameroun, sont des territoires à forte couverture forestière et à biodiversité remarquable. Ces zones sont particulièrement sensibles aux effets des changements climatiques, avec des saisons de plus en plus imprévisibles, une raréfaction des ressources naturelles, et une pression croissante sur les forêts.
Les populations autochtones Baka, présentes de manière significative dans les deux communes, vivent en étroite dépendance avec l’écosystème forestier pour leur subsistance, leur culture et leur spiritualité. Cependant, malgré leur grande vulnérabilité face aux impacts climatiques et leur connaissance fine du milieu, les Baka restent largement marginalisés dans les décisions et les actions locales liées au climat.
Des changements climatiques de plus en plus perceptibles
Les échanges menés par ASD et les Baka ont non seulement révélé des préoccupations profondes sur la manière dont les peuples autochtones Baka vivent l’action climatique sur le terrain, mais surtout sur leur manque d’inclusion réelle dans la conception, la mise en œuvre et les retombées des projets.
Les Baka ont décrit les effets directs et perceptibles des changements climatiques dans leur quotidien. Entre autres, on peut citer: des saisons de pluies irrégulières, la rareté croissante des ressources naturelles, la perte de repères agricoles et forestiers. « Il ne pleut plus à la période habituelle. Les fruits qu’on avait l’habitude de récolter à cette période n’ont pas produit, la floraison survient à contre saison, etc.. Le climat a changé, et cela nous perturbe beaucoup !», Confie Ondoua Jean Paul, leader communautaire Baka, village Akok-Bac.
Ces changements montrent à quel point les moyens de subsistances sont impactés, rendant de plus en plus vulnérable ces populations, qui dépendent étroitement de leur écosystème pour vivre. Malgré cette exposition, leur intégration dans les solutions proposées reste marginale.

Des projets perçus comme éloignés et inaccessibles
Lors des échanges avec les Baka, un constat est fait : les projets mis en œuvre dans leur territoire sont souvent élaborés sans véritable consultation. Dans les rares cas où les populations sont consultées, il ne s’agit généralement que d’une simple collecte d’informations, sans que leur avis n’influence réellement la suite du processus. Pourtant, «On nous a consultés pour un projet REDD (réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts). On a donné nos idées, mais quand le projet est arrivé, on n’a rien vu. On nous oublie toujours après !» explique Angoka Nestor, Chef Canton Baka du village Abing.
Cette situation a généré une profonde frustration. Les Baka se sentent écoutés seulement de manière formelle, mais systématiquement oubliés lorsque vient le moment de la mise en œuvre. Ce décalage entre les promesses initiales et la réalité renforce un sentiment d’exclusion. Il en résulte une perte de confiance envers les acteurs institutionnels et les porteurs de projets, ainsi qu’un risque croissant de désengagement communautaire face aux initiatives de développement et de lutte contre les changements climatiques

Une nécessité d’inclusion et d’accompagnement
Les échanges ont aussi mis en lumière la volonté des Baka de mieux comprendre les projets, d’y participer activement et de bénéficier de formations pour s’approprier les enjeux climatiques et les démarches en cours. Dans cette dynamique de redevabilité sociale et environnementale, le projet piloté par ASD vise justement à créer des espaces de dialogue, de transparence et d’amélioration de l’action publique locale, en y intégrant les peuples autochtones.
En effet, pour que les Baka ne soient pas uniquement des témoins de l’action climat mais des acteurs à part entière, il est urgent de repenser la gouvernance des projets : impliquer en amont, co-construire les décisions, garantir les retombées concrètes et assurer un suivi avec les bénéficiaires directs.
Plaidoyer pour une justice climatique locale
Les peuples autochtones, en particulier les Baka des communes de Djoum et Mintom, détiennent une connaissance fine des écosystèmes et une capacité d’adaptation précieuse. Mais sans reconnaissance, sans implication réelle, et sans bénéfices visibles, l’action climat risque de reproduire les inégalités qu’elle prétend combattre. À travers ce projet, ASD s’engage à faire entendre ces voix et à renforcer une justice climatique véritablement inclusive.
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